La ville de Saïgon d’après la série Asia Directory & Chronicle
Guilhem COUSIN-THOREZ

Saïgon (1920)
Partie I : Présentation de la source étudiée
Les volumes annuels des Directory & Chronicle sont une série d’index qui renferment plusieurs types d’informations sur les grandes villes asiatiques.Chaque volume représente d’abord plusieurs centaines de pages pour atteindre des milliers dans les versions les plus tardives. Il est divisé en plusieurs parties. On trouve d’une part des résumés des différents traités qui régissent le commerce et les interactions politiques entre les différents États, des calendriers locaux, des chronologies des événements récents (18ème à 20ème siècle), des tableaux décrivant les flux d’échanges ainsi qu’un nombre imposant d’annonces pour des entreprises européennes, principalement installées en Asie.
L’autre grande partie consiste en une présentation des villes principales du continent, notamment les villes colonisées par les pays européens. Cette présentation est généralement une description courte de la ville, son histoire, son actualité récente et ses principales caractéristiques économiques, une longue liste qui recense le personnel présent par catégorie et parfois une carte légendée.
C’est cette dernière partie qui a retenu notre attention. Nous présenterons ici ce que nous apprennent les Directory & Chronicle sur la ville de Saïgon, au sud de l’actuel Việt Nam, qui fut la capitale de la colonie française de Cochinchine. Avant d’aller plus en avant dans nos analyses, il convient de rappeler que ces ouvrages offrent nécessairement une vision partielle des villes y figurant. S’il n’est pas étonnant, compte tenu de l’ampleur des données à traiter, que les informations retenues soient sélectives, il faut cependant expliciter cette sélection : pourquoi certains aspects ont été retenus et d’autres laissés de côté, partant, à quels lecteurs sont destinés les Directory & Chronicle.
Public visé par la série des D&C
L’essentiel des informations que l’on trouve dans le Directory & Chronicles semblent d’abord être destiné aux futurs entrepreneurs et investisseurs désireux de se rapprocher des colonies occidentales ou à défaut des villes asiatiques ouvertes et influentes pour le reste du monde. Plusieurs paramètres nous confortent dans cette impression. Premièrement, la faible présence de données en ce qui concerne les entreprises ou les marchands indigènes. Dans le cas de Saïgon, l’écrasante majorité des données en notre disposition concerne les réseaux d’affaires et marchands européens. On ne trouve que très peu de renseignements sur les établissements vietnamiens et encore moins sur les entreprises chinoises, pourtant nombreuses dans le sud de l’Indochine.
Ensuite, la présence dans les descriptifs de grandes villes de très nombreuses sociétés d’assurance nous porte à croire que les différents volumes des D&C étaient d’abord destinés aux personnes désireuses d’investir. Apparaissant en grand nombre, sous plusieurs noms et pour plusieurs sinistres, les sociétés d’assurance étaient indispensables pour rassurer les futurs investisseurs sur la sécurité dont ils pourraient bénéficier. Même quand il n’est pas question d’assurance, les D&C insistent sur la présence d’agents ou de société d’agence, ce qui nous amène encore à penser que le lectorat de ces volumes se situe en partie loin des villes concernées.
Les textes descriptifs qui ouvrent les chapitres de villes sont aussi révélateurs. Il y est plus question de l’histoire récente des villes, donc du moment où les Asiatiques rencontrent les Européens, qu’ils soient des investisseurs ou missionnaires (dans le cas du Japon) ou des agents de la colonisation, comme c’est le cas pour Saïgon. La première chronique de 1885[1] résume par exemple l’histoire saïgonnaise ainsi : “Saigon, la capitale de la Cochinchine française est située sur la rivière Saigon, une branche du Donnai […] Saigon a été conquise par la flotte franco-espagnole le 17 février 1859, tandis que la Cochinchine du sud ne fut occupée définitivement qu’à partir de 1862.” Bien que la ville ne soit tombée sous domination vietnamienne qu’au début du 19ème, elle avait assurément une histoire riche avant l’arrivée des Français. Le but ici n’est pas de raconter l’histoire de la ville, mais son histoire coloniale. Ainsi, comme nous le verrons ensuite, le reste du texte donne avant tout des informations en rapport avec cette présence coloniale.
Une grande quantité d’informations présentes dans les différents volumes porte sur l’accès maritime à la ville, sa capacité d’exportation vers le reste du monde, son réseau fluvial, autant de données qui intéressent d’abord des acteurs économiques se destinant à rejoindre le marché asiatique. Il en va de même pour la presse. La ville de Saigon est célèbre pour son imposant volume de publications périodiques parmi lesquelles les indigènes jouent un rôle important[2]. Les quelques journaux présentés au lecteur de D&C sont pourtant tous des journaux publiés par les colons, en langue française, plus à l’usage des élites européennes ou européanisées.
Partie II Saigon : une capitale coloniale française à l’usage des Français
Exportations et importations
Le D&C de 1887 résume la production de Saigon ainsi : “Les sources de revenu principales sont l’opium, les spiritueux, les droits perçus sur le tonnage, les taxes perçus sur l’exportation de riz, les taxes per capita etc.…” On voit que l’essentiel du financement de la colonie est donc sous mainmise coloniale. Outre les traités qui circonscrivent les droits à l’exportation, l’opium et la production d’alcool sont des monopoles coloniaux[3]
A la fin du 19ème siècle, la ville est encore en cours de valorisation. Dans les années 1887, des travaux en vue d’aménager un port sec débutent. Ils ne s’achèveront qu’au début du 20ème siècle. On apprend également que la ville de Saïgon capte l’essentiel de la production destinée à l’exportation, ce qui en fait le point de sortie des produits coloniaux de toute la Cochinchine.
Une part importante de la production qui transite de ou vers Saïgon est régulée par une série de traités visant à favoriser la France et le reste de ses colonies. Les descriptifs de la ville nous apprennent qu’en juillet 1897, les lourdes taxes à l’import initialement prévues pour les spiritueux, armes et munitions, sont étendues à la majorité des biens transitant par le port de Saïgon, avant de préciser que “La France et l’Algérie, toutefois, jouissent d’un rabais de 60%” sur lesdites taxes. L’exportation suit la même logique. Par exemple, les bateaux étrangers doivent s’affranchir d’une taxe de 27% pour transporter du riz exporté depuis Saigon. Pour les bateaux transportant le même riz vers la France ou ses colonies, la taxe est seulement de 18% et tombe à 15% pour tous les bateaux français. Les navires français ne payaient par ailleurs pas la taxe au tonnage. La ville de Saïgon tourne donc son commerce international d’abord vers le reste de l’Empire colonial français et les traités qui régulent les flux d’échanges le coupent partiellement du reste du réseau mondial.
En 1888, le rédacteur commente “Depuis juillet 1886, la ville de Saigon n’est plus un port franc, de lourds droits de douanes étant imposé depuis juillet dernier, avec toutefois des exceptions en faveur des biens et des chargements français”. Plus tard, la chambre du commerce de Saigon, qui pèse sur les décisions économiques prises pour toute la Cochinchine, est dès 1896 réservée aux élus Français et Annamites ; les résidents chinois et européens en sont exclus [1924].
Ainsi, comme le montre le graphique ci-dessous, le nouveau statut du port entraîne visiblement une chute du taux d’exportation qui a un fort impact sur la valeur du commerce international du pays. Avant 1886, les C&D nous apprennent que 75 % du riz saïgonnais transite vers Hong-Kong[1884]. On comprend mieux les répercussions qu’a pu avoir une simple baisse du nombre de navires non français dans les échanges de la ville.

Valeur du commerce international saïgonnais
- Dans les Chronicles & Directories, la valeur du commerce international de Saïgon est calculée en retranchant la valeur de l’importation à celle de l’exportation. L’import étant relativement constant (hausse légère chaque année) cette valeur est surtout révélatrice de la valeur exportée de la ville
Le trafic maritime est décrit superficiellement dans les D&C, le tableau ci-dessous trahit les répercussions de la fermeture partielle du port sur le trafic du port de Saigon :
Les navires anglais qui représentent la seconde flotte après les Français, sont moins nombreux à partir de 1886 et ne cesseront de décliner jusqu’en 1908. Le trafic s’en ressent, il baisse lui aussi jusqu’à ce que des alternatives dont nous n’avons pas connaissance augmente le nombre de navires à la même époque.
Le commerce du riz
La surface de riz cultivée a doublé de 1900 à 1920. D’autres productions agricoles ont également été améliorées par les colons. La pisciculture, assez peu développée sous le règne des empereurs vietnamiens, représente bientôt un tiers des produits exportés (moins celui réalisé par le riz).
1898 | 1900 | 1902 | 1903 | 1904 | |
Surface cultivée en acres (0.40 hectare) | 2736560 |
2911211 |
2960212 |
3080000 |
3357435 |
L’exportation de riz représente une des sources principales de revenu pour la colonie. Elle est instable comme le montre le graphique ci-dessous, ce que peut expliquer l’économie parfois chaotique de la Cochinchine.
Des tentatives de plantations d’hévéas seront également mises en place et rencontrent un succès timide, grandement concurrencées par l’hévéa birman En 1924, quelques 30350 hectares sont dédiés à la culture de l’hevea Brasiliensis et permettent d’exporter 10 000 tonnes de caoutchouc.
Partie III : démographie de Saïgon
Saigon est initialement une petite ville côtière, assez déconnectée de la capitale impériale et peu peuplée. La ville voisine de Cholon compte par exemple 70 000 habitant, 6 fois plus que Saigon durant le 19ème siècle. Surtout, à l’arrivée des Français dans la seconde moitié du 19ème siècle, la région n’est que tout récemment devenue un territoire du Đại Việt. L’essentiel de côte sud de l’actuel Việt Nam n’a été conquise que depuis un siècle. Saigon est donc également une ville faiblement vietnamisée :

Courbe démographique de Saigon [1885-1891]*
* Sauf contre-indication, toutes les données présentées dans les tableaux sont issues des données mises à disposition par les Chronicles & Directories.
Concernant la population asiatique, les C&D nous offrent une description assez précise de la démographie de Saigon. On y compte autant d’Annamites que de Chinois et d’autres peuples asiatiques. Environ 150 000 cambodgiens pour toute l’Indochine, de petites communautés indiennes, austronésiennes. Pas d’informations en revanche sur les nombreuses ethnies dites minoritaires qui peuplent le sud de la péninsule. Les Saïgonnais d’origine chinoise vont même jusqu’à dépasser les Annamites en 1891. Une explication possible est la présence à Cholon, non loin de la ville, d’une communauté chinoise historiquement implantée. Saigon devient cependant un hub d’importance à la suite des décisions prises par les Français visant à en faire un lieu incontournable du commerce international, même si nous verrons que certains choix ont profondément desservi cet objectif.
La faible présence française peut surprendre. Les C&D révèlent pourtant une réalité bien connue du colonialisme français en Indochine : un nombre très restreint de fonctionnaires contrôlent 15 à 20 millions de Vietnamiens partout en Indochine. Les Français, ici en bleu clair, sont de plus en plus nombreux mais ne dépassent jamais, loin de là, les autres populations asiatiques. Saigon concentre d’ailleurs 70% de la population française de Cochinchine[1897]. Bien qu’étant une ville coloniale, Saïgon, comme toute l’Indochine, ne fait pas partie des colonies de peuplement de l’empire français. A la même époque, Alger, une autre capitale coloniale, était majoritairement peuplée d’Européen, et des millions de Français vivaient ailleurs en Algérie française. Le type de présence étrangère retenu ici est donc différent et ne varie pas beaucoup pour les décennies suivantes

Courbe démographique Saigon [1891-1934] [4]
De 1891 à 1934, Saigon reste une ville d’abord peuplés d’Asiatiques. Son statut de capitale provinciale et les opportunités d’emplois qui accompagne ce statut poussent beaucoup de Vietnamiens à y migrer Sa population double en 20 ans, ce qui est dû d’abord à la valorisation française d’une ville qui serait probablement restée assez secondaire au sein du Đại Việt. Il y a peu d’informations sur la population européenne non francophone.
La présence non française
Au fil des ouvrages, nous pouvons constater que l’essentiel vient du Royaume-Uni. En 1902, sur les 82 européens présents à Saïgon, la moitié est britannique. Les pays les plus représentés sur le terrain du commerce en Indochine selon les D&C sont, par ordre d’importance, l’Italie, le Danemark, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis, le Portugal et la Suède.
Concernant la représentation diplomatique, les premiers consuls notifiés en 1874 sont au nombre de quatre. Il existe un consulat pour l’Espagne, les États-Unis, la Belgique et les Pays Bas. En 1934, quatre consulats sont encore installés à Saigon, celui de la Belgique, des États-Unis, de l’Italie et du Royaume-Uni. Encore une fois, les représentations étrangères asiatiques sont absentes, notamment celle du Japon.
Caractéristiques du personnel à Saigon décrit par les Directory & Chronicle
Pour cette partie, nous avons conçu les diagrammes au moyen des tableurs qui recensent les annotations pour les années 1874, 1901 et 1934. Pour voir si l’on observe des tendances, nous allons maintenant mettre ces diagrammes en comparaison. Il faut cependant préciser que pour l’année 1934, seul le personnel le plus important, le plus haut placé, figure dans la liste descriptive de Saigon.
Pour l’année 1874, on notera que le clergé, le personnel lié à la culture, la médecine et le milieu de la justice sont les moins cités dans le volume du D&C. 11% des recensement concerne les personnes liées au milieu de la production, auquel s’ajoutent les 19,5% représentés par celles servant d’intermédiaires (storekeeper, marchands, grossistes etc.). Les 6% de la finance viennent compléter cette description de la partie économique de la population occidentale de Saigon. Les sociétés de transports représentent 15% des noms cités, ce qui s’explique par l’absence à l’époque d’un réseau de rail conséquent et d’une offre conséquente de transport maritimes. Beaucoup de petites sociétés parfois gérées par un nombre restreint de personnes (voire une seule) se partagent donc ce secteur. Cette situation évolue en 1901. Les deux autres catégories les plus représentées sont l’administration coloniale et le secteur militaire. Totalisant chacun 22 % des noms cités, on peut s’étonner de la précision avec laquelle ces deux secteurs sont décrits. Enfin, 2% du personnel recensé est lié au milieu des relations internationales, essentiellement des consuls, comme nous le verrons plus bas.
Pour l’année 1901, on n’observe pas de changements profonds de la situation. Le clergé, le personnel lié à la culture, la médecine et le milieu de la justice sont toujours minoritaires parmi les noms cités. Les relations étrangères ne sont par ailleurs pas recensées. Les autres catégories sont ici représentées d’une façon proportionnellement identique, mais reculent face à la hausse du secteur de l’administration coloniale, qui totalise cette fois 46% des noms mentionnés. Cette surreprésentation de l’encadrement colonial s’explique par le nombre très élevés de fonctionnaires en Indochine Française, réputée pour son administration aux forts effectifs.
Pour l’année 1934, mis à part pour le milieu de la finance et les différents acteurs économiques, seuls le personnel le plus haut placé est mentionné. Le graphique qui en ressort donne donc l’impression que les effectifs militaires et l’encadrement administratif ont réduit. Il n’en est rien. On peut voir ces dernières années comme un tournant dans la ligne éditoriale des D&C, qui axe plus encore leurs informations sur les milieux d’affaires. S’il est compliqué de tirer des conclusions d’un graphique aussi différent, on peut se pencher sur ce qui en ressort le mieux :
Concernant la finance, on voit que le milieu privé français est toujours le mieux représenté. La banque de l’Indochine et la Banque de Saigon emploient à eux seuls plus de la moitié du personnel mentionné. La Banque Franco-Chinoise, fondée en 1925 et administrée par les deux pays, vient grossir ce chiffre. Mais on notera que deux corporations bancaires étrangères se sont maintenues, la HSBC et l’agence londonienne de la Chartered Bank of India, Australia & China. On ne retrouve cependant pas un certain nombre de petites corporations bancaires étrangères présentes dans les volumes précédents.
Le reste du milieu d’affaires en revanche continue de compter du personnel non français, comme le montre le diagramme ci-dessous. En nuances de bleu, les compagnies et sociétés françaises. En nuances de vert, les compagnies étrangères. En nuances de rouge, les particuliers et petites compagnies détenues par les Français.
La description de la ville nous apprend par ailleurs que ma présence militaire va en déclinant au début du 20ème siècle, l’essentiel de la Cochinchine étant profondément pacifié. Le nombre de soldats en garnison, partout en Cochinchine, tombe à quelques centaines au détour des années 1920[1927].Comme nous le notions au début de ce travail, la description offerte par la série C&D vise d’abord un public occidentalisé. Aussi les informations relatives à la vie religieuse sont ici limitée au peuplement chrétien, principalement catholique. Les innombrables structures monastiques, bouddhiques et taoïstes, voire confucianiste, sont absentes. Mais les protestants, mal vus par les autorités saïgonnaises, n’apparaissent pas non plus. Il n’est en fait question que de la population catholique.La série des C&D ne nous informe par sur l’ampleur de la communauté catholique.
L’installation de structures catholiques en Cochinchine débute au 17ème siècle, avec la fondation notamment de la Mission Étrangère de Paris, une association de clercs dont l’objectif était d’évangéliser les peuples d’Asie. La ville de Saigon semble jouer un rôle central dans l’organisation du culte en Cochinchine. Les C&D nous apprennent que le siège du diocèse s’y trouve. La cathédrale Notre-Dame de Saïgon est achevée en 1880[1885]. D’autre part, le centre de formation de la plupart des futurs aumôniers et prêtres était le séminaire de Saïgon. La ville assure ainsi la couverture de l’essentiel des provinces, partagées entre une trentaine de clercs. Par la suite, Saigon est aussi un lieu important pour l’édition et la propagande catholique, se dotant notamment d’une imprimerie[1920]. A la même époque, la ville accueille aussi la procure du diocèse, siège du procureur, administrateur des intérêts temporel de la communauté interagissant beaucoup avec l’administration coloniale.
Chronologie des évêques du diocèse de Saïgon d’après les Chronicles & Directories | ||||
Monseigneur Colombert …-1894 |
Monseigneur Dépierre 1895-1898 | Monseigneur Mossard 1899-1920 | Monseigneur Quinton 1920-1924 | Monseigneur Dumortier 1925-1940 |
Après recherches, tous les prêtres à la tête du diocèse de Saïgon étaient issus de la Mission Étrangère de Paris. L’église gallicane gardait donc la main sur le devenir de la communauté catholique cochinchinoise, le premier évêque originaire d’Indochine n’étant intronisé qu’en 1955.
Saigon selon les traités
Les Chronicles & Directories ne comportent malheureusement aucun des traités signés entre la France et les différents royaumes de la péninsule Indochinoise. Nous avons accès à celui régulant le commerce entre l’Annam (ici à comprendre comme les protectorats d’Annam et du Tonkin) et la Chine.
Analyse spatiale
La politique urbaine des Français en Indochine est identique d’une ville à l’autre : à la ville préexistante, les résidents greffent un réseau orthonormé de longues avenues, proches des points stratégiques alors à disposition (quais, nœuds ferroviaires, plaines). La ville se dote de bâtiments et d’infrastructures typiques d’une ville européenne moderne : la cathédrale Notre-Dame de Saïgon est construite entre 1877 et 1880, la gare de Saigon en 1881. Un Hôtel des Postes en 1891, un théâtre en 1900. En 1903, 10 Millions et 300 000 francs sont débloqués pour aménager le port de Saigon : un km de quai de l’autre côté de la rivière Saigon, des hangars reliés au réseau urbain par des rails.
Les structures que les Français mettent en place s’articulent autour du méandre de la rivière Saigon, et s’amoindrissent à mesure que l’on s’éloigne de la côte. Les lignes vers Cholon et My Tho partent du quai de commerce, l’artillerie et l’arsenal également. L’essentiel des bâtiments important se trouve dans la partie sud-est de la ville, à une ou deux rues des quais (séminaires, hôpitaux, administrations) tandis que les établissements commerciaux, les marchés, les messageries fluviales et maritimes, se répartissent de part et d’autre de l’Arroyo chinois. Les casernes et la police occupent une place plus centrale, située autour de l’ancienne citadelle, adjacente à la rue Chasseloup-Laubat, un axe qui coupe la ville en deux et la relie au reste de la colonie. Seul le palais du gouverneur se trouve à distance du reste des infrastructures municipale, dans le Jardin de la Ville, plus au nord-ouest.
Plan de saigon tel qu’il figure dans le D&C de l’année 1920

Saïgon (1920)
[1] Ce résumé historique ne variera d’ailleurs pas d’un volume à l’autre.
[2] Nous recommandons la lecture de Print and Power de Shawn McHale, qui aborde la culture de la presse au Viet Nam en période coloniale.
[3] Capitalisme Colonial et développement in Indochine : la colonisation ambiguë (1858-1954) Pierre Brocheux et Daniel Hémery, 2001.
[4] Après 1891, les recensements se font plus rares et moins précis. Pour l’année 1919, nous n’avons que les peuplements asiatiques et européens, sans savoir par exemple le nombre exact de Français, d’Annamites, etc..