Fukuoka
Par Jérémie Chergui et Stella Reuse
Fukuoka est la ville la plus peuplée de l’île de Kyūshū et la 7ème plus peuplée du Japon avec environ 1,5 million d’habitants. Véritable porte ouverte de l’archipel japonais sur le monde, la baie de Fukuoka a été deux fois la scène de tentative de conquête par les armées mongol au XIIIème siècle. Les armées furent repoussées grâce à des erreurs tactiques ainsi que des typhons plus connus comme kamikaze, ou « vents divins ». À la suite de la première tentative la ville a fait construire en prévention un mur de pierre de 3 mètres de haut sur une longueur de 20 mètres. Le mur subsiste encore aujourd’hui et est un point d’intérêt touristique important.
Vestige du mur de pierre. Seule une partie des pierres émerge et la plupart ont été retirées
Le port de Fukuoka jouait par ailleurs un rôle important dans les relations avec les dynasties chinoises et coréennes à tel point que des daimyō[1] firent le choix de résider à Fukuoka. Le port lui confère encore aujourd’hui un rôle majeur dans l’économie du pays avec notamment des échanges intenses avec la ville sud-coréenne de Busan.
Homologue coréenne
Fukuoka est jumelée avec Busan depuis 2005. Ce jumelage est loin d’être un hasard car mes deux villes sont proches géographiquement. Busan est en réalité plus proche de Fukuoka que de Séoul. Les deux villes portuaires se font face par-dessus le détroit de Tsushima et jouent un rôle important dans les échanges de marchandises entre le Japon, la Corée du Sud et la Chine. La liaison par voie aérienne s’effectue en trois heures ce qui facilite les voyages d’affaire. Depuis les années 1980 de nombreux exportateurs basés à Busan ont développé leurs propres réseaux avec des clients japonais et ont ainsi établie de forts liens interurbains avec des métropoles japonaises dont Fukuoka
Le territoire économique de la ville de Fukuoka comprend également la ville de Shimonoseki comme l’a affirmé l’ancien premier ministre japonais Abe Shinzo. Les deux ports combinés ont un poids des plus important dans le commerce international.
Outre le secteur économique, les deux villes veulent développer une coopération touristique basée sur leur proximité géographique. En effet le tourisme est une excellente opportunité pour revitaliser l’économie régionale des deux villes, domaine sous exploité. Or leurs ressources et budgets alloués par leur gouvernement respectifs sont limités donc une coopération serait un moyen d’aboutir à ce projet.
Réseau routier
Dans les métropoles, la gestion de la demande croissante de trafic est une question cruciale. Le développement d’un réseau routier dans le but d’éliminer les tronçons (quartiers) encombrés d’une route donnée risque de concentrer davantage la demande de trafic sur ces tronçons. Or c’était la situation de Fukuoka dans les années 1990. La ville était alors dans la nécessité de développer son réseau routier qui non seulement devait pouvoir disperser le trafic des destinations originelles en développant de nouvelles routes, mais également induire un développement équilibré de la région et favorise la dispersion de la source de la demande de trafic. Une gestion plus réfléchie a ainsi pu renforcer la gestion du trafic intra-urbain avec notamment le développement des voies rapides. Le projet a relativement amélioré la mobilité des zones périphériques de l’agglomération de Fukuoka. Fukuoka se devait de prendre en compte l’influence de son réseau routier sur le développement régional mais également sur l’économie du pays. En tant que plaque tournante des marchandises Fukuoka ne peut se reposer sur son port.
Environnement
Le sable du désert de Gobi, appelé « poussière jaune », s’envole en Chine jusqu’à Séoul en transportant des microparticules provenant entre d’autre d’usines. Cette poussière jaune cause une pollution intense ainsi que des maux de tête. Il semblerait que la « poussière jaune » ait déjà atteint le Japon, plus particulièrement la ville de Fukuoka qui est en première ligne. En 2016 une étude[2] de l’air ambiant a estimé la concentration de microparticules, notamment de sulfate, comme étant supérieure à 35 µg.m-3. Or il est prouvé qu’une concentration au-delà de ce seuil augmente le taux de mortalité de 15%. L’étude attribue cette concentration au transport sur longue distance de la pollution de l’air en provenance de Chine. Les émissions de gaz à Fukuoka ont un rôle à jouer dans la pollution de l’air urbain, toutefois la pollution chinoise aggrave la situation. Des pics sont observés en hiver et au printemps mais le taux de microparticules reste trop élevé en été. Selon étude de 2020[3] une exposition aux microparticules augmentent les symptômes allergiques chez l’enfant. Les sols en contact avec la « poussière jaune » peuvent également causés des symptômes oculaires et dermatologiques.
Depuis 2013 la majorité des déchets générés par la ville de Fukuoka est acheminée vers une colline à quelques minutes du centre-ville. Loin de la décharge que l’on pourrait imaginer, la colline est le fruit de quarante ans de réflexions écologiques à la suite de l’apparition d’une île constituée de déchet au large de Tokyo dans les années 1970. Les déchets y sont triés et incinérés si non dégradables. Les résidus toxiques qui composent les cendres sont ensuite récoltés dans des puits d’aérations puis traités.
La chaleur et la décomposition naturelle se chargent de la suite. La surnommée « méthode Fukuoka » limite la pollution engendrée par les déchets urbains car elle transforme le méthane (CH4) en dioxyde de carbone (CO2). Or le méthane a un impact 21 fois supérieur sur le réchauffement climatique. Cette façon de procéder est peu onéreuse et ne demande pas de haut moyens technologiques. Ce traitement des déchets s’exporte ainsi à l’international, notamment en Chine, en Malaisie ou encore au Mexique.
Fukuoka, berceau des start-ups au Japon
La ville de Fukuoka est la ville des start-ups par excellence au Japon. C’est effectivement à Fukuoka que l’on retrouve le plus grand nombre de création d’entreprises, un nombre supérieur à celui des vingt-et-une autres grandes villes japonaises. Le dynamisme de Fukuoka vis-à-vis des lancements de start-ups est dû principalement aux nombreux efforts du gouvernement local, qui s’applique à attirer les jeunes entrepreneurs à l’aide de diverses mesures.
Une régulation plus souple, des taxes moins élevées, et même un « startup visa » destiné aux entrepreneurs internationaux souhaitant lancer leur affaire à Fukuoka : bien des efforts sont déployés par le gouvernement local de Fukuoka afin de dynamiser la préfecture. C’est à partir du début des années 2010 que le projet d’attirer des jeunes entrepreneurs souhaitant lancer leur start-up apparaît peu à peu.
Dans ce but, le festival Myojowaraku fut fondé en 2011. C’est un évènement principalement dédié à la technologie et à la créativité : bon nombre de start-up y annoncent leur projets chaque année, et de nombreuses autres activités s’y déroulent, telles que des réunions d’étude dédiées aux informations technologiques ou encore des performances musicales.
Le maire de Fukuoka Soichiro Takashima déclara en septembre 2012 qu’il souhaitait faire de Fukuoka une « ville de start-up » en réponse à l’intérêt grandissant des jeunes de la préfecture pour la création d’entreprise. « La présence de start-ups qui créent de nouvelles innovations et valeurs est nécessaire pour briser la stagnation économique » ajoute-t-il en 2020.
En 2014, la ville de Fukuoka fut finalement désignée comme une zone stratégique spéciale, et de nouvelles régulations, notamment des taxes plus souples, purent être adoptées. De plus, le gouvernement municipal rendit plus facile l’obtention de visas pour les entrepreneurs étrangers en 2015. Ce statut a également permis à la fille de Fukuoka d’assouplir les règles liées à l’urbanisme afin de pouvoir réaménager le centre-ville. En effet, cela permis ainsi l’installation d’un réseau sans fil plus rapide et plus simple à utiliser afin de rendre plus accessibles les expériences technologiques liées à internet et intégrant notamment des capteurs ou autres outils de communication.
Suite à toutes ces mesures, en 2016, 7,04% des entreprises de Fukuoka étaient des start-ups ayant été lancées dans l’année. Depuis, ce score ne fut détrôné par aucune des autres villes japonaises, et Fukuoka continue de s’imposer comme un lieu d’exception pour le lancement d’entreprises.
D’autres entreprises souhaitent même déplacer leur siège à Fukuoka. Le PDG de Digilead, Toshio Otsubo, par exemple, déclare en 2018 qu’il prévoit d’installer le siège de sa compagnie à Fukuoka, jusqu’ici situé à Naha, dans la préfecture d’Okinawa. En effet, Fukuoka semble être le lieu idéal : selon Toshio Otsubo, l’enthousiasme pour les nouvelles entreprises y est grandissant, et Fukuoka a l’avantage de ne pas être saturée de start-ups, contrairement à Tokyo, par exemple.
En avril 2017, une structure de soutien aux start-ups appelée Fukuoka Growth Next ouvrit au centre du district de Tenjin, l’un des quartiers les plus dynamiques de Kyushu, dans une ancienne école primaire. Depuis, plus d’une centaine de compagnies sont inscrites au Fukuoka Growth Next afin de profiter des services de la structure. En effet, il est possible d’y suivre des workshops ou encore d’utiliser des bureaux en coworking. C’est également un lieu privilégié pour manger et boire en compagnie d’autres entrepreneurs et investisseurs, permettant ainsi aux inscrits de se créer un réseau.
Bibliographie :
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Auteur inconnu, « 福岡市 Japan’s First “Startup Visa (Entrepreneurial Incentives for Foreigners)” ». https://bit.ly/3p7VDmG.
Auteur inconnu, « Fukuoka pitches itself as Japan’s “startup city” », Nikkei Asia, https://s.nikkei.com/38eWWcx.
[1] Gouverneurs de provinces issus de la classe militaire qui régnaient sous les ordres du shogun entre le XIVème et le XVIIIème siècle
[2] Yoshino Ayako, Takami Akinori, Sato Kei, Shimizu Atsushi, Kaneyasu Naoki, Hatakeyama Shiro, Hara Keiichiro et Hayashi Masahiko, « Influence of Trans-Boundary Air Pollution on the Urban Atmosphere in Fukuoka, Japan », Atmosphere, 7-4, avril 2016, p. 51.
[3] Sugiyama Taichi, Ueda Kayo, Seposo Xerxes Tesoro, Nakashima Ayako, Kinoshita Makoto, Matsumoto Hiroko, Ikemori Fumikazu, Honda Akiko, Takano Hirohisa, Michikawa Takehiro et Nitta Hiroshi, « Health effects of PM2.5 sources on children’s allergic and respiratory symptoms in Fukuoka, Japan », Science of The Total Environment, 709, 20 mars 2020, p. 136023.